Ces gens "d'en haut" qui font la loi et la mode et ont le pognon...
- Par guy sembic
- Le 03/02/2013 à 10:06
- Dans Chroniques et Marmelades diverses
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... Dans le chapitre XI Camus, page 301 des "Mémoires barbares" de Jules Roy , je note ce passage :
"L'intelligentsia parisienne pouvait-elle accepter ce produit de Belcourt né d'un père commis de ferme à Saint-Pierre-Saint-Paul, commune de Mondovi, département de Constantine, et d'une Espagnole illettrée ? Son cheminement : l'école publique puis le lycée Bugeaud et la faculté d'Alger grâce à des bourses, la galère d'Alger Républicain puis de Paris Soir sous l'Occupation et enfin Combat, n'aboutissait pas à des chaires en Sorbonne, où les lumières brillent de tous leurs feux. Sur ses gardes, il ne se livrait d'abord qu'à demi. De moi, il ne redoutait rien, mais d'instinct, avec les autres, il croisait le fer. Sur les problèmes du moment, il relevait à sa façon les idées des maîtres comme un chef cuisinier de génie tire du magique de la vulgaire matière brute. .../...
Je serais incapable de parler de Camus philosophe philosophant, analyste et critique des philosophes philosophant. C'était quoi, pour lui, la philosophie ? Comme pour Diderot : d'abord douter. .../...
Jamais cependant les professeurs et magisters ne le reconnurent comme leur égal et n'eurent pour lui autre chose qu'une condescendance parfois amicale, eux qui ne connaissaient rien à l'amitié. Il ne sortait pas comme eux de la rue d'Ulm, il n'était pas agrégé et n'enseignait pas au Collège de France. Il devait au charme de son esprit et de sa personne le succès populaire qu'un vrai philosophe envie mais ne touche qu'avec des pincettes. La masse peut-elle comprendre les subtilités de l'art ? La masse devait se contenter d'applaudir, le savoir-faire de ces messieurs consistant à transformer le langage raffiné en langage vulgaire, épicé juste ce qu'il faut pour le rendre perceptible aux élèves de l'enseignement supérieur en le laissant fermé aux autres ?"
... Ce qu'écrit là Jules Roy au sujet des "professeurs et magisters" de l'époque d'Albert Camus, demeure toujours aussi vrai aujourd'hui : cette caste pour ne pas dire cette "maffia" d'intellectuels et d'écrivains, de décideurs économiques et politiques, célébrités du spectacle et de l'audiovisuel ; tous ou presque sortis de Grandes Ecoles ou pour certains de l'ENA ou de Science-Po... N'ont à l'égard de ceux qui ne sont pas "de leur monde" (mais qui cependant parviennent à faire entendre leur voix) qu'une condescendance amusée et faussement bienveillante)... Quant à la "masse", s'il lui arrive de réagir, de penser quelque peu, d'applaudir, d'admirer, voire de vénérer, d'être séduite et confortée dans ses émotions et ses sentiments... Elle est "touchée avec des pincettes", en vérité, par ces gens "d'en haut" qui font la loi et la mode et ont le pognon... en tirant précisément et abusivement le pognon des poches de cette "masse" si bien et si intentionnellement conditionnée pour consommer de l'épicé, du sensationnel, du différent, du vulgarisé (mais surtout pas de ce "nec plus ultra du meilleur", "chasse gardée" des privilégiés)...
Le penseur, le philosophe, l'écrivain, l'artiste, le politique, l'économiste, lorsqu'il n'a pas dans son "bagage" le charme de sa personne mais seulement pour l'essentiel sa science et sa formation ; alors il envie sans doute celui qui doit davantage son succès au charme de son esprit et de sa personne, qu'à sa science et à sa formation...
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