Articles de yugcib

  • La vieille dame en fauteuil roulant (petit conte anecdotique)

         C'était une vieille dame seule, handicapée, sur son fauteuil roulant, à peine âgée de 75 ans, demeurant au Home des Cerisiers, une résidence pour personnes âgées...

    Elle se préparait à manger dans son coin cuisine, des repas très simples, passait ses après-midi et ses soirées devant son poste de télévision, ou lisant des revues (Paris Match, Point de vue, Modes et Travaux...)

    Jamais elle ne descendait dans la salle commune qui servait de salle à manger et de salon, dans laquelle les autres "pensionnaires" pour la plupart grabataires, se tenaient là, du matin jusqu'au soir... Elle disait qu'elle ne se sentait aucune affinité auprès de toutes ces personnes, n'aimait guère les conversations tournant toujours autour des mêmes sujets "bateau", en particulier sur les "petits et gros bobos" des uns et des autres, les médicaments qu'ils prenaient, ce qu'ils avaient vu hier à la Télé... Elle préférait rester dans son petit logement, et "se débrouiller toute seule"...

    Son grand plaisir, c'était de recevoir de temps à autre à intervalles plus ou moins réguliers de quinze jours/trois semaines, son conseiller financier de la Banque Postale qui, jamais comme tous ces autres banquiers et assureurs démarcheurs qu'elle appelait des vautours, ne lui proposait de ces "placements miraculeux" avec écrit tout petit au bas de la troisième page des conditions générales, des choses auxquelles elle ne comprenait rien...

    Elle avait avec son conseiller de la Banque Postale, un jeune homme très gentil et très cultivé mais pas fier du tout, de longues conversations plus ou moins "philosophiques" dans lesquelles il était question de relation humaine, par exemple...

    Elle sortait toujours, ouvrant les portes d'une petite commode près de son fauteuil roulant, une bouteille d'eau de vie de mirabelle, et en compagnie de son conseiller de la banque postale, "s'en jetait un petit verre sinon deux ou trois"...

    Jamais le conseiller de la banque postale n'avait goûté une eau de vie de mirabelle de cette qualité !

    Parfois, le conseiller arrivait avec dans sa sacoche, une bouteille de Monbaziliac, ce vin blanc liquoreux qui "plaît tant aux vieilles dames" au point qu'il leur délie la langue et les incite à souscrire le "fameux contrat d'assurance vie", contrat soit dit en passant, "très bien commissionné"...

    Mais le conseiller de la banque postale, un jeune homme sérieux et honnête, n'avait, en apportant la bouteille de Monbaziliac, "aucune idée derrière la tête"...

    Les confidences "allaient bon train"... ainsi la vieille dame disait-elle en parlant de ses enfants :

    "J'ai une fille très gentille qui vient me voir une ou deux fois par semaine, et qui habite à vingt kilomètres d'ici, dans un village. Mais j'ai aussi un fils qui habite à Draguignan dans le Var, qui est dentiste et dont la femme est clerc de notaire, mais mon fils ne vient me voir qu'une fois dans l'année au moment des vacances d'été au mois d'août. Il arrive le matin, ne passe auprès de moi qu'une heure, sa femme ne décroche pas un mot, et ils repartent le soir même dans leur grosse voiture aux vitres teintées bordées de métal argenté... Quant à mes petits enfants, les seuls que j'ai du côté de mon fils et de ma belle fille, je ne les vois jamais, je ne sais même pas à quoi ils ressemblent, n'ayant vu d'eux aucune photo...

     

    ... Ce personnage, cette "vieille dame en fauteuil roulant", a réellement existé...

    Il fallait voir, lorsqu'elle sortait de sa petite commode-buffet, cette bouteille d'eau de vie de mirabelle, l'air, le "petit air" malicieux, mais si authentique, si sincère, si "parlant", qu'elle avait, en remplissant "à ras bord" les petits verres... que pour sa part, elle buvait "cul sec"! Et pour le Monbaziliac, elle "y crachait pas dessus" non plus ! Elle buvait ça comme si ç'avait été un verre de citronnade !

    En dépit de sa solitude, de son handicap, cette femme "avait du caractère" et elle était "une grande âme" ! A la Télé, elle suivait presque essentiellement, des émissions de découverte de la nature, de reportages, et elle lisait des livres...

     

  • Hectorion et Ernestine (conte yugcibien)

         Hectorion Champion et sa femme Ernestine, dans leur Fiat Panda, qui demeurent dans la Meuse, à l'écart d'un village perdu dans la campagne, et qui "ne sont pas bien riches" mais ont cependant "une ambition voyagesque démesurée" de jeunes retraités modestes à mille euro par mois... Décident, juste avant le "rush des grands départs en vacances" de fin juillet, de "passer quelques jours" au Grand Duché du Luxembourg...

    Ils ont emporté et rangé dans le coffre de leur Fiat Panda, tout le matériel de camping dont ils ont besoin, une petite tente Queshua, deux sièges pliants (qu'Hectorion appelle des "sissires"), un mini gaz avec deux cartouches de rechange, deux tapis de sol et deux sacs de couchage...

    Ils se sont procuré le guide des campings en Europe, et ont repéré un camping "quatre étoiles" en périphérie de Luxembourg.

    Après avoir "galéré" avec leur Fiat Panda dans le centre ville de Luxembourg (ils n'ont pas trouvé de place pour se garer bien que tous les parkings et places de stationnement soient payants), ils arrivent au camping vers 18 heures, mais à l'entrée le camping affiche "complet"...

    Ils repartent mais pour aller où ? Tous les autres campings dans les environs sont complets.

    Dans le moindre village, en fait au Luxembourg même la campagne ressemble partout à une banlieue riche de résidences et de maisons individuelles, Hectorion et Ernestine constatent que, chaque fois qu'ils veulent s'arrêter quelque part, en un lieu leur paraissant être un lieu de halte possible, le stationnement est règlementé, limité, payant, et, de toute manière encore trop proche de quelque habitation...

    Ils ont essayé de retirer de l'argent dans un distributeur automatique mais leur carte "Mastercard" du Crédit Mutuel a été refoulée... Ils ne disposent en matière de "liquidités" que d'une cinquantaine d'euros...

    Il est 21 heures, bientôt il fera nuit et il faut trouver un endroit pour dormir. L'une des "solutions" qui vient à l'esprit d'Hectorion, c'est de s'engager sur l'autoroute et de se rendre sur une aire de repos et de dormir dans la voiture. Mais pour cela, il faut passer par le péage et prendre un ticket qui coûte une vingtaine d'euro...

    En définitive Hectorion décide de poursuivre plus loin, sur une route "un peu moins fréquentée", jusqu'au moment où il pourra trouver un endroit "relativement discret" (un peu à l'écart) afin de passer la nuit dans la Fiat Panda avec Ernestine (mais ça sera dur pour Ernestine qui a mal au dos)...

    Enfin vers 23heures, l'endroit est trouvé : c'est ce qui reste d'un ancien chantier du service d'équipement ou de voirie, partiellement entouré de barrières métalliques, et jonché de gravats concassés... Et d'une télé déglinguée abandonnée...

    Hectorion et Ernestine s'endorment, assis dans la Fiat, Hectorion la tête sur le volant...

    Dans le milieu de la nuit, arrive une voiture de police, un agent tape sur la vitre et demande "que faites vous en cet endroit? Il est interdit de stationner ainsi"...

    Un procès verbal est dressé, la Fiat Panda est immobilisée, Hectorion et Ernestine sont invités à quitter les lieux par leurs propres moyens, c'est à dire à pied...

    Mais ils sont un peu plus tard, de nouveau interpellés par une autre patrouille de police, lors de la traversée d'un village... Ils expliquent ce qui s'est passé, ils sont conduits jusqu'au poste de police, interrogés... Et pour finir, on leur explique que pour récupérer leur véhicule, revenir chez eux, il leur faudra assumer tous les frais que cela entraînera, et en plus payer une amende...

    Ils n'ont que très peu de "liquidités" sur eux (tout juste une cinquantaine d'euro), leur carte Mastercard du Crédit Mutuel "ne veut rien chiquer", ils n'ont ni chéquier ni "traveller's chèque"...

    Avec les cinquante euro qu'il leur reste, ils prennent un car de passage qui les transporte jusqu'à Longwy... Où ils errent dans les rues puis se rendent dans un jardin public, s'installent sur un banc... La nuit tombe (nous sommes au soir du lendemain de la journée passée au Grand Duché du Luxembourg).

    La nuit étant maintenant tombée depuis deux heures de temps, voilà-t-il pas que s'approchent d'Hectorion et d'Ernestine, trois gaillards d'allure inquiétante.

    Le lendemain matin un employé municipal chargé de l'entretien des parcs publics, découvre un homme et une femme gisant le crâne ouvert devant un banc. D'après ce qui ressort des premiers éléments de constat, il s'agit d'une agression, l'homme et la femme ont été violemment frappés à la tête, le portefeuille de l'homme est ouvert près de lui sur le sol, il y a bien sa carte d'identité mais rien d'autre, pas d'argent, pas de carte bleue...

     

    ... Le fils d'Hectorion et d'Ernestine Champion, Brice, qui vit à Beijing (Pékin) où il est professeur de Physique au Lycée Français de Beijing, et la compagne de Brice, Gwladys, ne sont prévenus du décès d'Hectorion et d'Ernestine que le surlendemain, dans un palace quatre étoiles des Seychelles où ils sont en vacances pour une semaine... Des Seychelles, Brice et Gwladys avaient prévu ensuite de passer trois semaines aux Caraïbes où ils ont loué un bateau, un petit yacht... Le billet d'avion, des Seychelles jusqu'à Paris, et de Paris juqu'aux Caraïbes, avait été acheté "à l'arrache" sur Internet, sans aucune assurance en cas de "non départ"...

    "Bon sang, quelle idée ils ont eu, les vieux, eux qui d'ordinaire ne vont qu'à la campagne et restent en France et ne partent que hors vacances scolaires, d'aller "bailler leur fesses" au Luxembourg en camping! Maintenant ça va être la galère pour trouver un vol pour Paris, pour dès demain voire aujourd'hui même si possible... Et, pour l'annulation de la location du bateau aux Caraïbes, pour le remplacement du vol Seychelles Paris initialement prévu le 25 juillet par un autre vol le 23 ou le 24, bonjour!" ... Gueule comme un putois, Brice, professeur de Physique au Lycée Français de Beijing (Pékin)...

     

     

  • Tout se lie et s'enchaîne

         "Tout se lie et s'enchaîne. Véritablement la vie de chaque individu est un poème dans lequel un certain nombre de personnages ont leur place dès l'origine et dont le sort ne peut être connu qu'en suivant l'histoire de celui qui fait le principal rôle".

     

    Madame Roland, lettre à Jany (octobre 1793)

     

     

     

    C'est ce qu'écrivait Marie-Jeanne Phlipon, épouse Roland, avant d'être guillotinée pour ses idées et son action, le 8 novembre 1793 à l'âge de 39 ans...

     

    "Celui qui fait le rôle principal" n'est autre que le narrateur qui, dans son oeuvre écrite à travers laquelle il nous livre son histoire, fait des personnages qu'il évoque et décrit, des personnages centraux comme dans un tableau où apparaissent aussi d'autres personnages. Tous ces personnages sont pour ainsi dire "comme immortalisés" et la vie de chacun d'entre eux, en relation avec d'autres personnages et avec le narrateur, est ce poème, ce "poème tableau"...

    Il importe que ce "poème tableau" soit réalisé de telle manière qu'il fasse ressortir de chaque personnage ce qui de lui, entrera en nos esprits... Car même dans le personnage le plus vil, le plus obscur, le plus "ordinaire dans sa manière d'être", le moins "enchanteur", le moins "attachant"... et parfois le plus "noir"... il y a ce qui de lui, doit demeurer pour nous, davantage un sujet de réflexion qu'une image épouvantail même si cette image épouvantail est fondée sur une réalité qui fut...

     

  • Un public de "followers" ou un public de spectateurs et de lecteurs ?

         Il y a ce paradoxe hallucinant sur le Net, entre d'une part le fait évident de la possibilité pour tout un chacun d'être visible et donc, d'être lu ; et d'autre part ce qu'il y a d'aléatoire à être découvert, à être lu en dépit de l'immensité de ce que l'on peut diffuser...

    Avant le Net, avant les réseaux sociaux, avant les blogs et les sites, pour être visible et pour être lu, il fallait nécessairement passer par une maison d'édition (livre, roman, essai, poésie...) ou exposer dans une galerie, une salle d'exposition (peinture, photographie, dessin...) ou trouver un producteur, un réalisateur (film, cinéma...)... Ce qui pouvait assurer dans une certaine mesure, une reconnaissance, une visibilité, une audience, un public, tout cela bien réel...

    Depuis qu'Internet permet à tout un chacun de se produire et de diffuser (littérature, écrits, peinture, dessin, photographie, cinéma, vidéo, tout cela avec la technologie, le numérique), rien n'est moins assuré en fait, que cette reconnaissance, que cette visibilité, que cette audience, que ce public, qui, avant le Net, pouvait être, certes limité mais réel... Du fait qu'il fallait passer par une porte dont il convenait qu'elle s'ouvre...

    Dans le meilleur des cas sur le Net - je pense là aux personnages, à tous les personnages, auteurs, musiciens, artistes, écrivains, journalistes, personnalités du monde politique, économique, du monde du spectacle – qui ont tous des blogs avec des milliers de visiteurs, des comptes Facebook et Twitter... Il y a plus, bien plus à mon sens, sur le Net, pour tous ces personnages bien plus visibles et plus lus que le commun des mortels... Un public de "followers" qu'un public de spectateurs et de lecteurs...

     

    ... Gustave Flaubert, Marcel Proust et Jean Gabin (entre tant d'autres d'avant le Net et d'avant le Numérique et du monde d'avant 1989) n'avaient pas de "followers"mais un public, un vrai public... Et ce public là, soit dit en passant, existe toujours même s'il n'est plus du tout celui de ces générations contemporaines de Gustave Flaubert, de Marcel Proust, de Jean Gabin...

     

  • La barbarie

         La barbarie des uns en réponse à la barbarie des autres, est actuellement en l'état de la "civilisation" humaine présente (présente depuis l'origine de l'humanité) cette réponse qui se fait d'elle-même lorsqu'aucun autre langage que celui des armes et de la brutalité ne peut être entendu du côté à partir duquel la barbarie s'est manifestée (mais en vérité de quel côté avant un affrontement devenu inévitable ?)

    Une "autre réponse" qui serait celle des philosophes, des sages, des "gens évolués", de certains intellectuels, artistes, écrivains, penseurs... Au mieux est entendue mais jamais ou très rarement n'est prise à la lettre et encore moins appliquée, du fait, souvent, de son "illisibilité"...

    Nous devons, nous ne pouvons donc, "être et faire", que dans la réalité existente telle qu'elle est... Au mieux, l'idée de "dépasser cette réalité" (c'est à dire s'en affranchir, s'en libérer) c'est déjà un "progrès" (si cette idée se fait)...

    Je pense que l'Homme (l'être humain - Mensch comme on dit en Allemand-) dans mille, dix mille ans (s'il survit) ne sera pas "forcément meilleur" (comme on "conçoit" de le croire) que l'Homme d'aujourd'hui... Mais ce qui est sûr c'est qu'il sera différent... Différent dans son apparence, dans son mode de vie, dans ses cultures, et cela la "science fiction" est impuissante à nous montrer ce que sera cet Homme, autrement que par des fantasmes...

     

  • Le Bien et le Mal

    Le Bien est un corps qui porte en son sein le Mal que le Bien combat, et qui prend pour béquille afin de marcher comme sans béquille devant le Mal à abattre, ce dont le Mal est fait et sur lequel il s'appuie.

     

    Le Mal est un corps qui porte en son sein du Bien dont il se sert pour investir des corps qui souffrent en appelant ce Bien dont ils espèrent un soulagement du Mal qui les ronge.

     

    Les Anti-Barbares ne valent pas mieux que les Barbares parce qu'ils ont dans leurs troupes autant de Barbares que les Barbares.

     

  • La grande histoire du monde arabe

    Histoire monde arabe

    D'Alexandre le Grand à l'islamisme radical, par François Reynaert, diplômé de de l'Institut d'études politiques de Paris, journaliste au Nouvel Observateur.

     

    Le résumé que je fais, du livre :

     

    Du début du 16 ème siècle jusqu'à la fin du 20 ème siècle, l'Europe avec tout d'abord le Portugal et l'Espagne, puis l'Angleterre, la France, les Pays bas, la Prusse, l'Autriche Hongrie, l'Italie et la Russie ; et à partir de la fin du 19 ème siècle les Etats Unis d'Amérique occupés depuis le 17 ème siècle par les Européens en majorité des Anglais... Constitue un ensemble de pays qui a dominé la planète et dont la civilisation, la technologie, les modes de vie, la culture, la politique ont "fait les livres d'Histoire" comme si l'Histoire n'était "que l'Histoire du monde vue par les seuls Européens"... Laissant de côté, du moins en partie, le "moment arabe" du 7 ème au 13 ème siècle, le temps de l'Empire Mongol avec Gengis Khan et ses successeurs aux 13ème 14ème siècles ( 33 millions de kilomètres carrés, alors que la Russie dans sa plus grande expansion n'en faisait que 17 millions de km carrés); et le "moment Ottoman" de 1453 avec la prise de Contantinople jusqu'à la fin de la première guerre mondiale en 1918...

    ... Sans parler des autres grandes civilisations anciennes d'Amérique du Sud, d'avant l'arrivée des Espagnols au début du 16 ème siècle, et des civilisations de l'Inde, de l'Asie du Sud Est, de l'Indonésie, de l'Afrique (empires du Mali, du Congo, bien avant l'arrivée des Européens)...

    Ce sont en fait les historiens, géographes et chroniqueurs Européens, qui, au fil des conquêtes et des découvertes de lointains pays, ont écrit (et surtout interprété en conquérants, en découvreurs, en "porteurs de la civilisation Chrétienne") l'Histoire des peuples de ces pays éloignés de l'Europe, peuples qu'ils ont dominé et asservi en fonction de leurs intérêts stratégiques, économiques, tout cela dans une compétition guerrière entre grandes nations ou empires...

    Les historiens européens et les peuples européens -et c'est d'ailleurs ce que l'on apprend à l'école- se réclament de l'héritage Gréco Romain, du temps où tous les pays autour de la Méditerranée constituaient le vaste empire Romain...

    De l'Orient à partir de la séparation en 395, de l'empire romain en deux parties distinctes jusqu'à nos jours, nous n'avons de cet Orient pour bon nombre d'entre nous, Français, Anglais, Allemands, Italiens, Espagnols, Européens, que quelques connaissances encombrées de clichés... Alors que Bagdad en l'an 800, avait un million d'habitants et était le centre d'un vaste ensemble économique, de marché, de culture, de savoirs, d'art et de culture.

    Tout bascule (les équilibres géo politiques qui arrivaient à se maintenir notamment avec l'empire Ottoman, grand ensemble de peuples et de religions coexistant sous l'administration Ottomane) dans les premières années suivant la fin de la première guerre mondiale, avec les mandats, les protectorats Anglais, Français, sur le Liban, la Syrie, l'Egypte, la Palestine, l'Irak... Les grands vainqueurs de la guerre ont décidé, arbitré en fonction de leurs seuls intérêts en promettant la liberté, l'indépendance, à des peuples qui avaient jadis subi la domination Ottomane... Les promesses n'ont pas été tenues, les traités ont été bafoués, et les richesses de ces pays libérés de la domination Ottomane ont été pillées, ont fait l'objet de tensions et de conflits entre grandes puissances Européennes... Et la seconde guerre mondiale "n'a pas arrangé les choses"...

    En somme, tout ce qui se passe aujourd'hui au début du 21 ème siècle dans cette zone géographique que l'on appelle "le croissant fertile", l'un des berceaux des grandes civilisations de la planète, est le résultat de la politique désastreuse, inconséquente et prédatrice menée depuis la fin de la première guerre mondiale par les vainqueurs de cette guerre...

    L'Europe, avec ses 500 millions d'habitants en 2015, ne représente plus que 1/14 ème à peine de l'ensemble de la population de la planète, alors qu'au début du 16 ème siècle avec 100 millions d'habitants elle en représentait 1/5 ème... L'avenir est donc aujourd'hui désormais, davantage du côté des 13/14 ème que du côté du 1/14 ème, autant sur le plan économique, technologique, scientifique, que culturel...

     

    Extraits :

     

    Page 318 et 319 :

     

    Au tournant des XVIII e et XIX e siècles, le monde ottoman sent virer le vent de l'histoire. Il ne va pas rester sans réagir. De nos jours encore, la plupart des Occidentaux n'ont aucune conscience de cet aspect des choses. L'orientalisme vu par les Européens, continue à sévir. Dans les esprits Européens, l'Empire Ottoman du XIX ème siècle et ses provinces arabes sont toujours ces pays sortis de l'histoire, des fruits secs tombés de la branche depuis si longtemps que l'Occident, fort de son progrès, n'a eu qu'à se pencher pour les ramasser. Cette idée est fausse. L'arbre a toujours de la sève. Les défaites militaires de l'empire, son démenbrement progressif ou encore le débarquement des Français à Alexandrie sont autants de chocs qui le réveillent et le stimulent. Le XIX ème siècle de l'Orient n'est pas un siècle mort, bien au contraire. D'Istanbul au Caire, de Tunis à Salonique, on assiste à un bouillonnement à tous les échelons des sociétés, du plus haut au plus modeste.

     

    Page 439 :

     

    Si surprenant que cela nous paraisse aujourd'hui, l'idée même d'une identité arabe est presque neuve. Pendant des siècles, explique Eugène Rogan, un Egyptien, pas plus qu'un habitant de la Syrie, de Tripoli ou d'Alger, ne se considérait comme "arabe" et aurait plutôt mal pris qu'on le désigne ainsi. Chacun se définissait par rapport à sa famille, son clan, son village d'origine ou son appartenance religieuse. Un Arabe, c'était un habitant de la péninsule Arabique...

    ... Et c'est là, à mon sens, cette réalité encore d'actualité, l'idée d'une "identité arabe" même embryonnaire et toute neuve, qui, même encore pouvant se constituer à partir de l'Islam et de ce qu'il y a de "fondamentaliste dans l'Islam", et de la langue arabe , de la culture arabe...Qui fera que l'Etat Islamique en tant qu'état constitué, administré, régi et pouvant s'étendre aussi loin autour de lui qu'il le pourra ; échouera finalement, comme a fini par éclater l'empire Ottoman, en fait, tous les grands empires qui ont régné sur des peuples se définissant par rapport à une famille, un clan, une appartenance religieuse... Parce que le clan, le groupe social, la famille, le village, la tribu, tout cela constitue la seule réalité naturelle, la seule réalité "durable", vraiment durable... La preuve : jusqu'au Néolithique, c'est ainsi qu'a fonctionné la société humaine d'un bout à l'autre de la planète durant des dizaines de milliers d'années, selon un principe de relation, de relation avec les autres humains et êtres vivants, avec les choses "du ciel et de la terre"...

     

  • La Résicencia (suite à "une enfance de Jésus", de JM Coetzee)

         Parmi les gens de la Résidencia, il en est certains d'entre eux qui, avant d'être à la Résidencia, ont été -un temps- au début de leur "vie active", dans les Barres Est voire même mais plus rarement, dans les camps... Ils ont par la force des choses bon gré ou mal gré... "adhéré au Système"... Et sont donc devenus "prospères" sinon "relativement à l'aise" et "policés", et se sont en quelque sorte "désolidarisés" des gens des Barres Est et des gens des camps... Ils disent d'ailleurs à propos des gens des camps : "les Cacalis", les "Romanichels", les "voleurs de poules"...

    Cependant, et c'est là une vérité éternelle, éternelle et intemporelle, la bonté dans un monde globalement sans bonté, est de toutes les Résidencia, de toutes les Barres Est, de tous les camps... Mais la bonté est comme un drôle de gosse qui fait et dit des choses pas comme les autres ; qui, aux yeux des gens, de la plupart des gens de la Résidencia, des Barres Est, et des camps.. Est comme "une fille cacali juchée sur un vieux vélo avec des cartons à dessin sur son porte bagage", à la quelle on largue au passage, avec une certaine condescendance, un petit sourire...

     

    ... Cela dit, à propos de ce que je disais plus haut "les gens de la Résidencia"... C'est "un état d'esprit" beaucoup plus en réalité, que "une façon de penser par sensibilité/opinion personnelle", un état d'esprit donc, que je combats... Un état d'esprit qui est (souvent) celui des gens de la Résidencia et qui consiste en gros, à rejeter, mépriser, maudire ces "cacali/ces romanos" pour des raisons qui "sont ou seraient justifiées en partie...

    Un état d'esprit c'est une chose, une sensibilité/opinion personnelle en est une autre... C'est bien un état d'esprit, que je combats...

    Mais je combats tout autant toute forme de prédation d'autant plus qu'à la prédation s'associe de l'agressivité, du sans-gêne, de la vulgarité (et en ce sens, les pauvres comme les riches, les exclus comme les élus, ne sont pas toujours des anges loin s'en faut!)...

    La générosité, la bonté, le pardon, la mansuétude, ce ne sont pas des tapis sur lesquels on fait sa crotte sans vergogne , ce sont des valeurs intemporelles, et dans la relation que l'on a avec ses proches, ses connaissances, et plus généralement les gens que l'on rencontre, la "vocation" de la bonté c'est sa force agissant comme un moteur, plutôt que sa faiblesse sous la forme d'un tapis sur lequel on essuie ses pieds, qui en fait le sens... de la bonté...

     

     

  • Une enfance de Jésus, de JM Coetzee

    Cvt une enfance de jesus 4798

    Le livre, tel que je le résume :

     

    David, un jeune garçon âgé de cinq ans, et Simon, un homme d'environ 45 ans qui est le protecteur de David, arrivent d'on ne sait où après une longue traversée en bateau, dans un camp de "nouveaux arrivants", Belstar...

    David sur le bateau durant la traversée, avait une lettre dans laquelle se trouvait le nom de sa mère, et qui disait d'où il venait, mais cette lettre a été perdue...

    Au camp de Belstar, les Autorités attribuent au jeune garçon le nom de David et à l'homme le nom de Simon, et leur donnent une date de naissance en fonction de l'âge qu'ils paraissent avoir, David cinq ans, et Simon 45 ans. Ils apprennent l'Espagnol, la langue parlée dans le pays, et on leur dit qu'ils commencent une vie nouvelle, une vie dans laquelle les souvenirs sont "lavés"...

    Simon et David quittent le camp, traversent un désert et parviennent à Novilla, une ville située au nord de Belstar, où ils sont accueillis et hébergés dans un Centre pour Nouveaux Arrivants. Les services publics de la ville leur fournissent un logement sans loyer dans "les barres Est", une allocation de 400 "réaux" et aident Simon à trouver un travail, un emploi de docker sur le quai numéro 2, là où l'on décharge des sacs de grains des cales des cargos.

    Se sentant âgé, Simon craint de ne pas pouvoir exercer longtemps durant de longues journées, un travail aussi éreintant. Mais il y parvient, et Alvaro, le contre maître, devient son ami...

    La grande préoccupation de Simon est de retrouver la mère de David, qui, selon lui, Simon, a dû elle aussi, comme tous les "nouveaux arrivants", passer par le camp de Belstar et peut-être parvenir à Novilla, puisque dans cette ville portuaire, et relativement importante, il y a du travail...

    A la "Résidencia" un lieu où vivent des gens "prospères et policés", Simon rencontre Inès, une jeune femme d'une trentaine d'années, et, par "intuition" comme il dit, déclare qu'Inès est la mère naturelle de David. Simon confie David à Inès qui accepte de le prendre chez elle, mais suite à un désaccord avec Diégo, l'un des frères d'Inès ; Inès et David s'installent dans le petit logement de Simon, des "Barres Est", logement que cède Simon pour aller s'installer ailleurs, sous un abri de fortune le long des quais... Mais en fait, Simon vient souvent voir Inès et David et, à eux trois, ils forment comme une famille...

    L'éducation de David pose problème : David ne veut en faire qu'à sa tête, il apprend à lire dans un livre "Don Quichotte", il écrit des signes et des traits à sa manière, déconcerte le Senior Léon son instituteur... L'administration veut l'envoyer dans un centre éducatif spécialisé qui ressemble à une prison ; Simon et Inès refusent et décident de partir ensemble avec David pour fuir les Autorités... Ils empruntent la voiture de Diégo, le frère d'Inès, traversent de nouveau un autre désert, mais un désert moins aride, suivant une route très longue qui mène au nord du pays...

     

    Réflexion personnelle :

     

    L'un des meilleurs livres, à mon avis, de John Maxwell Coetzee... Mais à la vérité, quels autres des livres de cet écrivain Sud Africain né au Cap en 1940, seraient "moins meilleurs" ?

    L'on y retrouve ici, dans Une enfance de Jésus, la même densité, la même profondeur et richesse de pensée, peut-être ici accentuée, renforcée par un questionnement quasi permament tout au long du livre, un questionnement sur le sens, sur le "non sens" aussi, des choses, de l'existence, de la relation...

    L'on y retrouve également, comme dans ses autres romans, les mêmes thèmes évoqués, à savoir tout ce qui tourne autour d'un malentendu, ce qui a trait au langage, à la filiation, à ce que l'on appelle "l'identité", à la détresse, à la solitude, à la fragilité de l'être, au destin, à la marginalité...

    En somme ce roman Une enfance de Jésus, déposé en Août 2014, éditions du Seuil, en collection poche "Points" ; est "d'une très grande actualité"...

    La Résidencia, les Barres Est et les camps, sont bien la représentation des trois types d'habitat -ou de lieux de vie- principaux, dans le monde d'aujourd'hui...

    La Résidencia, avec ses lotissements de maisons individuelles des "zones rurales urbanisées" ou péri-urbaines, ses bâtiments entourés de carrés de verdure et d'arbres d'agrément, où l'on entre par une porte sécurisée avec un digicode, où vivent des gens "prospères et policés"...

    Les Barres Est, qui sont ces bâtiments de type HLM où vivent des gens qui ont des emplois peu payés, ou se trouvent au chômage ou reçoivent des allocations, des aides sociales...

    Les camps, où vivent les réfugiés, les gens "venus d'un pays en guerre", les "nouveaux arrivants" qui ont traversé des déserts et des mers, fuyant la misère, la famine, les fronts de guerre et les bombardements, les viols et le pillage ; et aussi les réfugiés des catastrophes climatiques... Soit dit en passant, ce sont les pays les plus limitrophes des zones de guerre et de combats, qui ont les camps les plus immenses, où s'entassent dans des conditions d'hygiène et de vie, sous des tentes, des abris de fortune, des dizaines de milliers de gens...

    Si ces pays là, tels que le Liban, la Jordanie entre autres, arrivent à concevoir l'existence de ces camps sur leur territoire alors qu'ils n'ont pas les moyens matériels, l'argent nécessaire et les équipements qu'il faut... Alors comment se fait-il que dans la "riche Europe" on n' arrive qu'à concevoir que de tous petits camps en nombre limité pour n'accueillir que quelques uns de tous ces "nouveaux arrivants" ?

     

    Extraits :

     

    Chapitre 11 page 119 :

     

    Rester décent et propre pose problème. Il se rend au gymnase dans les Barres Est pour se doucher ; il lave ses vêtements à la main et les fait sécher sur les cordes à linge des Barres Est. Il n'a aucun scrupule à le faire -après tout, il est encore sur la liste des résidents-, mais par prudence, et ne voulant pas tomber sur Inès, il ne vient qu'après la nuit tombée.

     

    Chapitre 27, page 316 :

     

    Le senior Daga me fait des cadeaux. Toi et Inès, vous ne me faites jamais de cadeaux.

    Ce n'est pas vrai, mon garçon, pas vrai et pas gentil. Inès t'aime et s'occupe de toi, et moi aussi. Alors qu'au fond de son coeur, le senior Daga n'a aucun amour pour toi.

    Si, il m'aime! Il veut que je vienne habiter avec lui! Il l'a dit à Inès et Inès me l'a dit.

    Je suis sûr qu'elle ne le permettra jamais. Ta place est avec ta mère. C'est pour ça qu'on s'est battus tout ce temps. Le senior Daga peut t'éblouir, il peut te fasciner, mais, quand tu sera plus vieux, tu te rendras compte que les gens éblouissants et fascinants ne sont pas forcément des gens bien.

     

     

  • Vers l'âge d'homme, de John Maxwell Coetzee

    Vers l age d homme

    John Maxwell Coetzee est un écrivain Sud Africain né le 9 février 1940 au Cap...

    Un écrivain sans parti pris qui ne suit pas de courant idéologique ni de mode, et ne verse pas dans le manichéisme (opposition entre le bien et le mal)...

    Le cadre historique et l'environnement où évoluent personnages et situations, n'apparaissent dans ses récits qu'en toile de fond et ne constituent pas l'élément fondamental ou principal... Et encore moins, la réflexion dialectique...

    L'auteur transpose les problèmes qu'il traite, à la manière d'un artiste peintre composant un tableau. Mais un tableau réaliste, dont les images sont pures, dures et d'une cruelle ou tragique lucidité... Et en même temps l'on perçoit bien dans l'écriture de l'auteur, de la candeur et de la pudeur, et de la discrétion...

    "Vers l'âge d'homme" c'est l'histoire d'un homme alors âgé de vingt à vingt-quatre ans (en fait l'auteur lui-même) pris dans les engrenages d'un système dont il est en même temps victime et complice... Un homme fébrile, questionnant et au destin particulier...

     

    ... Voici quelques extraits de "Vers l'âge d'homme"... qui ont particulièrement retenu mon attention :

     

    ..."La poésie ne consiste pas à lâcher la bonde aux émotions, mais à échapper à l'émotion", dit Eliot dans une phrase qu'il a recopiée dans son journal. "La poésie n'est pas l'expression de la personnalité, mais un moyen d'échapper à la personnalité". Puis après coup, Eliot ajoute amèrement : "Mais seuls ceux qui ont de la personnalité et des émotions savent ce que c'est que d'y échapper".

    Il a horreur de déverser sur la page un simple flot d'émotions. Une fois ce flot lâché, il ne saurait comment l'arrêter. Cela serait comme si l'on sectionnait une artère et qu'on regarderait le sang jaillir et couler. La prose, heureusement, n'exige pas d'émotions : il faut lui reconnaître ça. La prose est comme une étendue d'eau calme et plate sur laquelle on peut tirer des bords à loisir, en laissant le dessin du sillage sur la surface.

     

    ... Danser n'a de sens que lorsque l'on peut l'interpréter comme symbole d'autre chose, fait que les gens préfèrent ne pas admettre. C'est l'autre chose qui est réelle : la danse n'est qu'un camouflage. Inviter une fille à danser, cela veut dire qu'on l'invite à coucher ; accepter l'invitation, cela veut dire qu'on accepte de coucher ; danser, c'est mimer l'acte sexuel, l'anticiper. Ces correspondances sont si évidentes qu'il s'étonne qu'on prenne même la peine de danser. Pourquoi tout le harnachement, pourquoi les mouvements rituels, pourquoi cette comédie ?

     

    ... Pourtant, avant de pouvoir oublier, il faudra qu'il sache quoi oublier ; avant d'en savoir moins, il faudra qu'il en sache plus. Où va-t-il trouver ce qu'il lui faut savoir? Il n'a aucune formation d'historien, et de toute façon ce qu'il cherche ne se trouvera pas dans les livres d'histoire, puisque cela appartient au quotidien banal, aussi banal que l'air qu'on respire. Où va-t-il trouver ce savoir ordinaire d'un monde disparu, un savoir trop humble pour même savoir que c'est un savoir ?

     

    ... Lui et Ganapathy sont les deux faces d'une même pièce : Ganapathy qui meurt de faim, non parcequ'il est coupé de sa mère patrie, l'Inde, mais parce qu'il ne mange pas comme il faut, parce que, malgré son diplôme de maîtrise en informatique, il ne sait rien des vitamines, des sels minéraux et autres acides aminés ; et lui, pris dans une fin de partie débilitante, où chaque coup l'accule davantage et le rapproche de la défaite. Un jour ou l'autre une ambulance va arriver devant l'immeuble de Ganapathy, et les ambulanciers le sortiront de son appartement sur une civière, avec un drap qui lui couvrira le visage. Quand ils seront venus chercher Ganapathy, ils n'auront plus qu'à venir le chercher aussi."

     

     

    John Maxwell Coetzee a reçu pour l'ensemble de son oeuvre, le prix Nobel de littérature en 2003...

    De tous les prix littéraires qui existent et sont chaque année décernés en France et dans le monde, le Nobel de littérature est le seul pour lequel j'ai, disons, "une certaine considération" (et qui pour moi a du sens)... Car il qualifie l'ensemble de l'oeuvre de l'écrivain, et non pas seulement, comme par exemple pour le prix Goncourt ou le prix Renaudot, un ouvrage de l'auteur...

    D'ailleurs, il y a à mon sens, beaucoup trop de prix littéraires... Cela va des plus "prestigieux" (en fait des tous premiers qui ont existé dans le passé) jusqu'aux plus "impossibles" (comme par exemple ces si nombreux "petits prix" de diverses associations d'écriture ou clubs ou différentes sociétés d'édition et de littérature/poésie)...

    C'est au salon du livre du Festival International de Géographie à Saint Dié dans les Vosges, que j'ai acheté ce livre "Vers l'âge d'homme", de JM Coetzee... J'avais déjà lu "Scènes de la vie d'un jeune garçon" ... Et après coup, ayant lu dans les deux jours qui suivirent le festival, "Vers l'âge d'homme", j'ai regretté de ne pas avoir aussi acheté les autres livres (dans la collection poche "Points") de JM Coetzee...

    Je peux dire que "Vers l'âge d'homme" m'a vraiment bouleversé, marqué, et que tout ce qu' exprime l'auteur dans ce livre, rejoint d'une certaine manière le regard que je porte moi-même sur tout ce que j'observe des gens, du monde, des évènements, des situations... Tout cela, oui, n'est bien que "le fond général du tableau" (et non pas l'essentiel, et encore moins le "définitif" du tableau)... L'essentiel est dans ce qui ne se voit pas, dans ce qui n'est pas exprimé, dans ce qui se fait à l'intérieur d'un être, dans ce qui surgit sous la forme d'un questionnement (j'ai aimé toutes ces phrases en questionnement, dans le livre de JM Coetzee)...

     

    ... Quand on sait quel destin fut en réalité celui de JM Coetzee, (il poursuivit ses études, devint professeur de littérature américaine, écrivain et prix Nobel)... l'on peut en effet s'étonner de lire (dernière page de "vers l'âge d'homme") :

     

    "Un jour ou l'autre une ambulance va arriver devant l'immeuble de Ganapathy, et les ambulanciers le sortiront de son appartement sur une civière, avec un drap qui lui couvrira le visage. Quand ils seront venus chercher Ganapathy, ils n'auront plus qu'à venir le chercher aussi."...

     

    Phrase effectivement, d'une noirceur absolue... Car c'est ainsi que le "John" du livre, le personnage central, ("il") entrevoit son destin... (il vient de passer trois années en Angleterre, en jeune homme pris dans un système , un "ordre des choses", dont il est à la fois victime et complice... Et sans cependant s'être trouvé dans le dénuement, n'en a pas moins "mangé de la vache enragée" (surtout sur le plan relationnel et environnemental et moral) jusqu'au jour où il fut confronté au dénuement de son ami Ganapathy, un "exilé" comme lui (mais venu du continent Indien alors que lui, John, venait d'Afrique du Sud)...

     

    Toute la "problématique" si je puis dire, d'une "vision pessimiste" et d'une lucidité aussi tragique... réside peut-être dans le questionnement sur la nécessité (comme dans l'instinct de survie) et sur la difficulté qu'il y a, à se libérer peu à peu, de cette "vision aussi pessimiste et aussi empreinte de réalité tragique"...

     

    Il y a là, à mon sens, un pessimisme absolument "moteur" (et d'autant plus "moteur" qu'il se révèle soutenu par une forme d'humilité, de "remise en question de soi"... et, au fond, de cette lucidité pure et dure comme à l'intérieur d'un creuset avant le travail de l'alchimiste...

    Il ne manquerait peut-être là, dans cette dernière phrase du livre, qu'une petite note d'humour (il y a déjà une petite note de dérision)... Mais, à bien "creuser" tout au long du livre, elle s'y trouve bel et bien, la petite note d'humour)...

     

    ... Un "très grand livre" donc, que "Vers l'âge d'homme" de JM Coetzee...

     

     

  • Les briques de la vie

    Brique11

    ... À partir des briques de la vie, des milliards et des milliards de combinaisons sont possibles, et cela, dans un mouvement perpétuel et renouvelé des origines de la vie.

    Tout est provisoire, tout disparaît, mais tout se fait, se défait, et de nouveau se fait ; le tout est éternel...

    Cela dit, de tout cet univers dont nous observons ce qu'il y a de plus lointain en ses confins à partir de nos télescopes les plus puissants... Nous n'en voyons en réalité qu'une toute petite partie, la plus grande partie nous demeurant inconnue...

     

  • Tout ce qu'il me paraît important d'exprimer...

    ... Et donc, de dire déjà, puis d'exporter, de diffuser, de communiquer, de publier dans des livres ou sur des blogs... Tiendrait -au moins- en plusieurs livres de plus de mille pages chacun...

    Encore faudrait-il que tout ce qu'il me paraît important d'exprimer, le soit dans un langage que tout le monde puisse entendre d'une part, mais aussi et en même temps dans un langage imagé, un langage où la parole se fait écriture, et réciproquement, où l'écriture se fait parole...

    Au lieu de cela, au lieu d'exprimer tout ce qu'il faudrait -à mon sens- exprimer, diffuser, exporter, communiquer... sur des questions, des sujets, des interrogations... qui sont si nombreux et si divers... et si essentiels en considérant séparément chacun d'entre eux... L'on voit sur des pages de journaux, sur la page d'accueil de Yahoo en "actualités", sur tant et tant de pages personnelles de Facebook... l'on voit défiler une masse considérable et cacophonique de messages, de "petits évènements", d'informations, de "scoops" petits et grands, de tweets, en général rédigés à la hâte, souvent brefs... qui sont d'une banalité, d'un "non intérêt", d'une vacuité absolument désespérants... Et d'ailleurs, même écrits en quelques mots, quelques lignes au plus, dans un langage tout ce qu'il a de plus ordinaire et peu fatigant à lire... Ces informations, ces commentaires de ceci ou de cela sur tel évènement "non évènement"... L'on a de la peine à aller jusqu'au bout, de telle sorte qu'on "zappe" vite fait, on fait défiler la page en vitesse... Et puis basta, ça file comme l'eau par le trou de la baignoire sans laisser la moindre trace... Désespérant! Vacuité, non sens, de notre époque où tout va si vite... Et où ce qui est essentiel passe inaperçu, n'est jamais lu, jamais vu, est noyé dans une masse d'information, d'écrits et de paroles sans visages...

    Ces livres de plusieurs milliers de pages chacun, ces livres, qu'ils soient des livres réels en pages de papier ou des livres virtuels en blogs ou en documents PDF, EPUB ou autres formats, ces livres qui contiennent tout ce qu'il est si essentiel d'exprimer, quand bien même il y en aurait des milliers de ces livres (et d'ailleurs il y en a)... eh bien ces livres aussi présents, aussi existants -et visibles- qu'ils soient... ils passent aussi inaperçus qu'une aiguille dans une meule de foin...

    Mais c'est, bien pétant, bien voyant, avec une grande photo, tout ce qui défile sur la page de Yahoo, sur les pages de Facebook, à longueur de journée et de nuits... ce qui paraît, ce qui "percute", ce qui un instant retient l'attention mais "déséduque", "désinforme", "lessive", et fait que l'on ne pense plus, que l'on ne réfléchit plus... Et que l'on en arrive même à déconsidérer totalement l'essentiel, le "vrai essentiel"... qu'évidemment, on ne lit pas, qu'on fuit comme la peste...

    Ce qu'il est si important d'exprimer ? Il a déjà en partie été exprimé (en partie parce que même dans une civilisation en déclin, ça s'arrête pas d'un seul coup sauf cataclysme nucléaire ou impact d'une grosse météorite, ça laisse encore quelques années voire quelques dizaines d'années devant nous) ... Exprimé par exemple, dans les chansons, dans les textes de Jacques Brel, dans des poèmes de Michel Houellebecq, ou encore par un humoriste tel que Coluche...

    Il y a manifestement une intemporalité dans ce qui est essentiel d'exprimer...

     

    ... Et, ce qui est extraordinaire, paradoxal, et qui génère ou entretient une grande, une réconfortante espérance... C'est que... Si tu parviens à communiquer sur l'une ou sur plusieurs de ces "choses essentielles" avec quelqu'un en particulier (seul à seul), que ce "quelqu'un" soit de n'importe quel "niveau social, culturel etc."... Eh bien ça marche ! (assez souvent sinon "presque toujours")...

    Bien sûr, il faut trouver les mots, l'image, la manière de dire...

    La "conscience aiguë en soi, de l'existence de l'Autre", de son intimité, de son ressenti... Comme si on arriverait à toucher l'enveloppe de la bulle et à la traverser sans pour autant traverser par effraction...

     

    ... Bernard Clavel a vraiment raison... de dire qu'écrire pour être lu, ce n'est pas manquer de modestie... à condition quand même de ne pas faire rien que comme sur la page de Yahoo ou de Facebook pour que ça pète et que ça congratule et que ça émotionne un instant et basta !

     

  • Un homme de trop, de Jean Pierre Chabrol

    Un homme de trop

    En livre de poche, dépôt légal 2 ème trimestre 1967, Gallimard

     

    L'auteur

     

    Jean Pierre Chabrol est né en 1925 à Chamborigaud dans le Gard. Lycéen à Alès, puis maquisard du Bougès, c'est un Cévenol de vieille souche. Après des études en Sorbonne, la sculpture le conduit au journalisme en qualité de dessinateur, puis le croquis l'amène au grand reportage.

    Romancier, cinéaste des marins bretons et des mineurs cévenols, Jean Pierre Chabrol, un écrivain parmi les plus fortes personnalités de sa génération, reçoit en 1956, le Prix du roman populiste pour Le bout galeux, puis la bourse de la fondation Del Duca pour Les innocents de Mars et l'ensemble de son oeuvre.

    Son roman Les fous de Dieu, sélectionné pour le Goncourt en 1961, n'a cependant pas été couronné, au grand regret d'Aragon...

    Il a écrit entre autres livres : Fleur d'épine, La chatte rouge, Les Rebelles, La Gueuse...

     

    Un homme de trop, le livre :

     

    C'est, du lundi 20 juillet au dimanche 26 juillet en 1943, durant une semaine, la vie et l'action d'un groupe de maquisards dans la montagne Cévenole.

    Thomas, commissaire technique, s'irrite de ces paradoxes politiques qui imposent la mort et la misère pour d'hypothétiques "lendemains qui chantent"... Il s'interroge sur la nécessité ou non de devoir "éliminer" un prisonnier suspect, cet "homme de trop", libéré avec onze patriotes, du quartier des condamnés à mort de la prison de Sarlande.

    En cet été 1943, les maquis Cévenols, comme tous les autres maquis constitués de réfractaires, de rebelles, en général des jeunes ayant refusé de partir au STO (service du travail obligatoire) ainsi que de quelques communistes et anarchistes, et aussi, par exemple, d'enseignants révoqués par l'administration de Vichy... En dépit de quelques actions de commando menées dans les villages contre les occupants et les autorités de la France de Pétain et de Laval... Ne forment pas encore comme en été 1944, une armée organisée et structurée avec des armes lourdes, en face de la puissance Allemande, du pouvoir des Milices et surtout -il faut le dire- des unités de Waffen SS françaises ...

    Cette semaine du 20 au 26 juillet 1943, se terminera donc -et hélas- très mal pour la plupart de ces maquisards Cévenols, dont le chef Paulo, cependant, parvient à s'échapper, pris avec "l'homme de trop" et deux de ses compagnons par quatre de ces Waffen SS français chargés de "nettoyer le pays"... Paulo parvient à rejoindre un autre groupe qui se préparait à mener une action d'envergure, et finalement une partie de l'objectif que s'étaient fixé les maquisards est atteinte...

     

    ... De tous les livres que j'ai pu lire sur la Résistance, sur les maquis, Un homme de trop, de Jean Pierre Chabrol, est à mon avis l'un des livres les plus vrais, les plus réalistes... A rapprocher d'ailleurs, de Les forêts de la nuit, de Jean Louis Curtis (Prix Goncourt 1947).

     

    Voici un extrait, afin de "donner une idée" du langage, au quotidien, de ces maquisards Cévenols que sont Terrasse, Lambris, Parquet, Chambranle, Cimaise... entre autres personnages de ce livre. Ce sont là, des noms de guerre... :

     

    "Chierie d'espadrilles! .../... pour cavaler sur les trottoirs, comme l'autre nuit, ca gaze, mais quand tu t'amènes sous les châtaigners, dans les pellous, ça te met les arpions en pelote à épingles.

    Lambris, un petit rouquin aux cheveux en brosse, à la face bien ronde criblée de taches, avec, sur le front, la cicatrice bleue d'une balafre de la mine, parle en confidence, un bras passé sur les épaules de son inséparable Parquet : ... si encore je pouvais la voir rien qu'une petite minute (la Simone).../... Pour t'attendre, ça, t'en fais pas, elle t'attend! S'esclaffe Chambranle.../... et pas seule, qu'elle t'attend, te tracasse pas, elle chôme pas des fesses, ta Simone!

    .../... Tou po pas lui foutre la paix à cé pétiton, s'insurge Cimaise. ...

     

    C'est que la vie, au quotidien, dans le camp en pleine nature sauvage, est rude : le repas principal c'est une grande lessiveuse pleine de nouilles avec l'eau au dessus encore bien chaude... Et du pain...

    Il y a dans ce livre, cependant, beaucoup de philosophie et de morale (si l'on peut appeler "morale" cette "autre morale" qui n'a rien à voir avec la morale du sens du monde et de ce qui doit être et se faire, qu'on apprend au catéchisme et qui s'articule sur le Bien et le Mal, en gros la "morale bourgeoise ou conventionnelle qui doit être celle du citoyen qui ne "fait pas de vagues" et qui obéit sagement en "grinçant un peu des dents" ; morale qui exclue, conspue, punit, guillotine, promet à l'enfer, lorsque le "délinquant", le "salaud" "fait quelque chose de vraiment mal ou choque, dérange)...

     

    ... Et c'est ce que raconte en sourdine Thomas, le commissaire technique, un soir :

     

    "Une des choses qui déterminèrent ma vie fut la lecture d'un texte de Jean Jaurès. J'étais tombé dessus par hasard à la bibliothèque de l'Ecole Normale. Je n'en suis pas sûr, mais je crois bien que c'était son discours d'Albi, à la jeunesse. J'ai oublié les termes exacts, mais Jaurès expliquait que dans chaque être humain, même le plus avili, même tombé au plus bas de l'échelle sociale, il reste toujours, du grand brasier de l'âme humaine, au moins une étincelle, et qu'on peut, et qu'on doit souffler sur elle non pour l'éteindre, mais pour ranimer le grand brasier de l'âme..."

     

    ...La voilà, la "morale", la vraie, celle qui n' a rien à voir avec la morale qui a cours, celle qui n'est pas celle des curés, des hommes politiques, des imans... Mais qui est intemporelle et qui se pratiquait chez des peuples anciens dits "primitifs" vivant en tribus, en collectivités, en groupes, bien avant l'arrivée des religions monothéistes...

     

    Cet "homme de trop", que l'auteur nomme "le type" dans son livre, est en fait un condamné de droit commun, un "simple d'esprit", un frustre, un homme qui a violé et étranglé une femme et a été condamné à mort (à la guillotine) par un tribunal... Lors d'une opération de commando menée par un groupe de maquisards à Pradeilhes, contre la prison, afin de libérer onze patriotes condamnés à mort par un tribunal de la France de Vichy, il se trouve que dans la précipitation de l'action, une douzième porte est ouverte, celle de la cellule du "type"...

    Au départ, le "type" est considéré comme prisonnier, mais Paulo le chef de groupe et ses compagnons décident finalement d'éliminer le "type" (Ils venaient de liquider déjà, un milicien prisonnier)...

    Mais Thomas, chargé de tuer le "type", hésite et décide de le laisser filer dans la nature... Ce qui va se révéler être une erreur fatale, puisque le "type", revenu au camp "parce qu'il a faim et ne sait où aller", s'enfuit de nouveau par crainte d'être tué, et tombe entre les mains de quatre Waffen SS français embusqués non loin du camp des maquisards...

    Le groupe des maquisards venait de réussir un "gros coup", ayant attaqué un train militaire Allemand, tué les soldats allemands, récupéré du matériel de guerre dont une mitrailleuse, des caisses de munitions et de ravitaillement dont ont profité d'ailleurs les habitants de Pradeilhes.

    Finalement, Thomas, deux de ses compagnons -et le "type"- pris par les Waffen SS français, dont l'un deux a tout de même pu être tué par Thomas, sont pendus au viaduc du chemin de fer...

    Le "type" regrettait alors de ne pas être passé par la guillotine, fou de terreur à l'idée de se balancer dans le vide au bout d'une corde...

     

     

     

    ... Tout le monde sait qu'il y avait durant la seconde guerre mondiale en France, la zone occupée au Nord et à l'Ouest, et l'Etat Français de Pétain et de Laval, au Sud, avec pour capitale Vichy ; tout le monde sait qu'il y avait dans la France de Vichy et jusqu'à la libération en été 1944, la Milice, une organisation para militaire tout de noir vêtue avec béret sur la tête, chargée de combattre le bolchevisme et le terrorisme... Soit dit en passant, à l'époque, on ne disait pas "des résistants" mais "des terroristes"...

    ... Cependant, "tout le monde" sait moins qu'il y avait aussi dans la France de Vichy, des unités de Waffen SS françaises, encore mieux équipées, plus féroces, plus "expéditives" dans leurs actions de répression, que les milices... Ces Waffen SS français étaient en fait exactement les mêmes que les Waffen SS Allemands, habillés aussi en noir avec sur la manche et sur la casquette le double lézard blanc en zig zag...

    https://www.youtube.com/watch?v=BbC3p8cQ9fo  (Les Français de la Waffen SS)

     

  • La vie est éternelle

         La vie est effectivement, réellement éternelle...

    Lorsque, en tant que touriste à la montagne des singes sur le versant Alsacien des Vosges près du Haut Koenigsbourg, vous voyez ces singes magots originaires d'Afrique du Nord, les mêmes que ceux qui peuplaient en 1960 les pentes abruptes des gorges de La Chiffa, entre Blida et Médéa dans la traversée de l'Atlas Tellien depuis la plaine de la Mitidja... Eh bien ces singes là sont "la vie éternelle" de leurs congénères qui vivaient au même endroit dans les gorges de La Chiffa il y a des milliers d'années...

    Les briques de la vie, dans le mouvement perpétuel et sans cesse renouvelé des origines de la vie, sont les mêmes que celles que nous connaissons dans l'état actuel de la science, et ont été, sont et seront, partout, dans ce cosmos dont nous ne voyons en réalité que 5% de sa "totalité" ! Et ces briques de la vie, sans doute différentes dans un "ailleurs" dont nous n'avons pas idée, existent aussi dans un mouvement perpétuel et renouvelé en cet ou ces "ailleurs"...

    Cette "vision" qui me vient de la vie éternelle, et qui en vérité, était déjà la "vision" qui me venait lorsque j'étais à peine âgé de six ans et que je "réfléchissais à tout ça"... Me convainc beaucoup plus, scientifiquement, et en tant que poète, et penseur, que la "vie éternelle" des religions...

    Je pense que Dieu -ou plutôt "ce qui ressemble à Dieu"- sera d'accord avec moi, et que Dieu, d'ailleurs, rigole autant qu'il en pleure, de toutes ces religions que les hommes pratiquent, avec des rites, des interdits, des préceptes, de la superstition mêlée, et cette idée selon laquelle il y aurait tout prêt à consommer, tout prêt à suivre, un "modèle de pensée unique" censé convenir à tout le genre humain... (Mais surtout, soit dit en passant, à ceux du genre humain, les décideurs, les possédants, les privilégiés, les chefs de guerre et de cultes, qui eux sont bien les "grands gagnants" de cette "affaire là" et entendent le rester)...

    ... Nous sommes, chacun des 7,16 milliards d'humains actuels (et vivants), la vie éternelle de nos arrière-arrière grands-parents morts dans la seconde moitié du 20 ème siècle et ayant vécu entre 1850 et 1950 ; la vie éternelle de ces gens qui vécurent dans les villes, villages et campagnes de France sous le règne de Louis XIV ; la vie éternelle de ces Solutréens, de ces Magdaléniens qui vécurent vers la fin du Paléolithique Supérieur...

    ... Et cette vie éternelle là, est bien une réalité, et non un rêve, et non une promesse de telle ou telle religion, croyance en un "au delà"...

    Quand bien même toute forme de vie aura disparu sur la Terre, a ou aura disparu en quelque "ailleurs" dans le cosmos... Il y aura toujours ce mouvement perpétuel et renouvelé des origines, à partir de briques de la vie...

     

  • Le voyage en France, de Benoît Duteurtre

    Cvt le voyage en france prix medicis 2001 1915

    Gallimard, prix Médicis 2001, dépôt légal novembre 2001

     

    Quatrième de couverture :

     

    Un jeune Américain, épris de culture française, part à la découverte du "pays des peintres et des poètes". Il débarque dans la France d'aujourd'hui, s'égare dans les quartiers touristiques et la ZUP Claude Monet, arpente les plateaux télé et les coulisses de l'édition puis s'enfuit dans un monastère spécialisé en nouvelles technologies...

    L'itinéraire de David croise celui d'un Français quadragénaire qui a longtemps rêvé d'Amérique. Tandis que l'Américain s'éprend d'une prétendue reine de la Bohème, le Français tombe amoureux d'une vidéaste branchée.

    Conte, récit de voyage, autobiographie et fiction s'agencent dans ce cressendo romanesque qui glisse parfois de l'hyperréalisme au fantastique loufoque.

     

    Un extrait, page 268 :

     

    "L'Européen d'aujourd'hui vit dans cette espèce de schizophrénie. Il grandit dans un décor chargé de souvenirs. Il rêve d'être à la fois d'hier et d'aujourd'hui. Il piétine sous les ombres de son passé, tout en cherchant ses modèles dans un nouveau style mondial, très banal, qui se répand comme un champignon sur les ruines. L'Amérique provinciale se greffe sur l'Europe provincialisée. La beauté se conserve comme une "spécificité culturelle"...

     

    Et, page 274 :

     

    "Sur les pâturages, quelques vaches regardaient le spectacle du crépuscule en s'efforçant de comprendre ce qui se passait. Etait-ce la première fois? Elles ne se souvenaient pas précisément des jours précédents. Elles ignoraient également que les services vétérinaires de la préfecture envisageaint de procéder à leur abattage massif pour soutenir les cours. Impropres à la consommation, elles allaient prochainement servir de combustible dans une cimenterie."

     

    Réflexion personnelle :

     

    De toute évidence, le "Français quadragénaire rêvant d'Amérique" n'est autre que l'auteur lui-même né en 1960 et ayant donc vécu une partie de sa vie (en gros son enfance, sa jeunesse et jusqu'à 40 ans) dans ce que j'appelle "le monde d'avant 1989", ce monde qui entre dès 1990 "en transition" jusqu' au début du 21 ème siècle (2008 on va dire) dans le "nouveau monde" celui du 21 ème siècle.

    Benoît Duteurtre fait donc partie de cette génération (celle des nés après la seconde mondiale jusque vers le milieu des années 1970) qui, passé les années 50 du 21 ème siècle, aura disparu du monde des vivants...

    Benoît Duteurtre est en quelque sorte, en tant qu'écrivain, romancier plus précisément, un "témoin de son temps", du temps qu'il traverse entre deux mondes... Ce qui veut dire que lorsque tous ceux et celles (écrivains, poètes, penseurs, philosophes, artistes, et plus généralement les femmes et les hommes que nous sommes tous, encore vivants), de ces générations des nés entre la fin de la seconde guerre mondiale et la fin du 20 ème siècle auront disparu... Il ne demeurera plus, du "monde d'avant 1989", que de l'écrit, de l'image, du document, des films, des vidéos, de la photographie, de la musique... Et qu'il n'y aura donc plus de "témoin encore vivant" pour exprimer, dire, raconter de vive voix, diffuser...

    Seuls cependant, les enfants, les filles et les fils de tous ces "témoins" disparus, ayant écouté, lu leurs parents, pourront encore transmettre presque comme s'ils avaient eux mêmes vécu dans leur enfance et leur adolescence, cette vie de jadis vécue par leurs parents... Et la transmission, aussi précise, aussi exacte, aussi juste qu'elle pourra l'être -et elle le sera- se diluera dans le temps, s'altèrera par toutes sortes d'interprétations...

     

    ... Il y a à mon sens, dans le fait d'être "témoin de son temps" et dans la nécessité, le besoin que l'on a de transmettre... Que l'on soit écrivain, artiste ou femme ou homme de la vie de tous les jours... Une certaine gravité à témoigner, à transmettre, à exprimer, et cela d'autant plus que l'écrit, que l'image, que le document, que la photo, que la séquence filmée... sera désormais durant un temps indéfini (une "éternité provisoire"), une trace...

    La "vraie éternité" n'est sans doute pas à mon sens, la "vie éternelle ou le paradis" promis par les religions... Mais la certitude de ce prolongement de nous-mêmes, au delà de notre vie, dans toutes ces vies qui seront... en 2050, 2070, 2100...

     

    Ah, ce bébé de 2015... Il aura cent ans en 2115 !

     

    ... Nous sommes la "vie éternelle" des gens qui vécurent à la fin du Paléolithique Supérieur, des gens qui vécurent aux 10 ème, 15 ème siècle de l'ère Chrétienne...